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Les Célébrités Montoiriennes

11. Georges-Louis CLAUDE   1879-1963

 

 

Pendant près de 36 ans

Georges-Louis CLAUDE

(peintre et décorateur)

séjourna à Montoire.

     Qui s’en souvient ?  

  En 2001

la rétrospective d’une

partie de ses œuvres

fut présentée à l’Office

de Tourisme de Montoire.

 

Pourquoi Montoire ?

 

Né le 15 juin 1879 à Paris, où il fait ses études, il suit, à 18 ans, ses parents à Levallois, banlieue parisienne jadis demi-champêtre. Il ne quittera cette ville qu’en 1960 : paralysé, il insiste pour être placé dans une maison de retraite. Il s’éteint à Montmorency, le 26 avril 1963.

Dans les années 20, le peintre passe des vacances dans l’Orléanais, où sa femme, institutrice, avait de vieilles relations. L’une d’entre elles, qui s’était retirée à Artins, leur facilite la location d’une petite maison dans le hameau de Pineau, où la famille CLAUDE passera ses vacances pendant deux étés.

C’est l’époque où l’inflation, qui avait fait rage en Allemagne et qui débute en France, incite le couple à sécuriser ses économies en achetant un petit terrain à Montoire sur le Loir, près de la gare, pour s’y faire construire une maison dont CLAUDE avait déjà les plans. Mais la menace d’inflation s’aggrave, et ils décident d’acheter sans tarder une “maison à vendre” aperçue en traversant Montoire en taxi, pour rejoindre leur train en gare du Mans. Avec son propriétaire, le vieux Docteur YVON, le marché fut vite conclu en ce printemps 1924.

Le choix de Montoire fut encouragé par une précaution que l’ex-sergent CLAUDE, blessé en 1915 sur le front de la Somme, jugea utile en ces temps troublés. Il prit une carte de France, mit une pointe de compas sur Paris, l’autre sur Aix la Chapelle, fit pivoter le compas à 180° pour obtenir un secteur opposé: cette zone correspondait au Vendômois.

Montoire: la place et l’église

Par une curieuse coïncidence le compas vint donc confirmer l’affinité du peintre avec ce “pays de Ronsard” (1), qui offrait non seulement les joies de la nature, mais également la richesse architecturale de nombreux vestiges historiques.

CLAUDE ne regretta pas son choix et fit faire divers travaux pour aménager cette maison, selon ses goûts. Les deux courettes furent recouvertes d’un joli gravier, celle donnant sur la rue fut encadrée par deux haies de lauriers bien taillés, l’autre, sur l’arrière de la maison, fut entourée de pieds de vignes et d’une bordure fleurie, et enfin le jardin exploité comme potager, soigné avec amour par le nouveau propriétaire, qui étudiait de façon méthodique ses manuels de jardinage.

La maison elle même, avec une demi-douzaine de pièces, permet au peintre – décorateur de s’offrir un bel atelier au 1° étage, avec vue sur l’avenue et les petites maisons d’en face, objet d’études pour son pinceau, aussi bien que la courette arrière et la jardin.

Le domicile de la famille restait Levallois, mais toutes les vacances scolaires se déroulaient à Montoire, où l’on allait respirer le bon air. En 1938, CLAUDE prend sa retraite de professeur (de peinture décorative) et pensa continuer cette alternance entre la ville et la campagne. Mais dès septembre 1939, la prise de Danzig met un terme à ce rythme bien rodé. Les difficultés de transport et de ravitaillement feront de Montoire son port d’attache pendant les six années du second conflit mondial.

La Chapelle Saint Gilles

Après la guerre, CLAUDE revient à Paris, mais passe avec sa femme toute la belle saison à Montoire, y joignant quelques escapades en Bretagne. Dès 1947, les premiers symptômes de la maladie de Parkinson apparaissent, ne l’empêchant cependant pas de continuer à dessiner et à peindre. Mais en 1955, le tremblement de sa main droite l’oblige à renoncer à ces deux passions. En 1958, sa femme Gabrielle décède, et en 1960, il signe avec une grande tristesse l’acte de vente de cette maison à laquelle il était attaché par tant de souvenirs.

Des souvenirs qui allaient également s’effacer de la mémoire de ses contemporains. En fait, très peu de Montoiriens se souviennent de cet homme discret que la plupart n’avaient pas connu en tant “qu’artiste”, mais comme bon voisin, peu bavard mais toujours prêt à rendre service. Ils le voyaient faire quotidiennement une promenade au bras de sa femme, ou bien ils l’apercevaient dans les champs avec son carnet de croquis ou sa “boîte à pouce”(2), dessinant ou peignant, presqu’à la dérobée tout ce qui l’intéressait. On le saluait, on ne lui parlait que rarement de peur de le déranger: on le respectait.

 

 

Lavoir du Bd des Alliés en 1930
La chapelle Saint Gilles

Ses nombreux carnets de croquis et feuillets d’étude avec dessins (au crayon, à l’encre, ou à l’aquarelle), les recueils qu’il assembla lui-même (avec ses études à la gouache ou à l’huile), montrent l’intérêt qu’il porta aussi bien à la campagne environnante, qu’à la ville de Montoire, à ses écarts, et aux bourgades voisines. Les  activités paysannes (labours, fenaison, vendange) le fascinent non moins que les paysages, les bois, le Loir et ses ponts. Maisons de style Renaissance, châteaux de l’époque féodale, églises( en particulier la chapelle Saint Gilles de Saint Oustrille, et Saint Genest de Lavardin), sont pour lui des sujets d’étude admirative.

Jour de marché

Il n’oublie pas les rues, le marché du mercredi à Montoire, et bien sûr son univers domestique: la courette avec ses fleurs et son arceau de vigne, le coin de la fenêtre de son atelier, son épouse en train de coudre; tous ces coups d’œil de l’intimité.

 

Georges-Louis CLAUDE aima le Vendômois comme fit le poète, prieur de Saint Gilles. Il en aima le calme, la variété de ses paysages et la discrétion de ses habitants. Il dessinait essentiellement pour le plaisir et non pas pour la gloire et l’argent.

Un décorateur tous azimuts

 

⇒  L’Architecture d’intérieur

Lors de l’Exposition Universelle de 1900, CLAUDE, alors âgé de 21 ans, se voit décerner comme décorateur, un diplôme avec mention “Honorable” de la maison Galland. Mais il est surtout repéré par l’architecte orientaliste MARCEL, dont les constructions extrême-orientales (le Tour du Monde) frapperont l’imaginaire d’illustres visiteurs, parmi lesquels le roi  des Belges Léopold II et le baron EMPAIN.

Au lendemain de l’expo, Léopold chargera MARCEL de construire à Laeken, dans son parc royal près de Bruxelles, un pavillon chinois et une tour japonaise. C’est donc au jeune CLAUDE que MARCEL va confier l’étude et l’exécution de l’essentiel des décors intérieurs de ces curieux édifices (actuellement sous la tutelle des Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles).

Les travaux de décoration, commencés en 1903, sont une véritable réussite. Aussi MARCEL propose-t-il à CLAUDE de partir pour l’Égypte, où l’architecte construit à Héliopolis un immense hôtel, commandé par le baron EMPAIN, qui désire en faire un palais des ‘Mille et Une Nuits‘. CLAUDE est chargé d’assurer la décoration de ce palace qui fut, à l’époque, le plus grand hôtel du monde. The Heliopolis-Palace-Hotel, nationalisé en 1952, est actuellement le siège de la présidence égyptienne et est devenu le Palais d’el-Orouba.

Admiratif des réalisations de CLAUDE, le baron le chargera de décorer sa propre villa ‘la Villa Empain‘ à Bruxelles, de style hindou.

Avant de quitter l’Égypte, le décorateur remontera le Nil, profitant de ce voyage pour réaliser de nombreuses études personnelles.

⇒  Le Vitrail

Quand la guerre de 1914 éclate, quittant femme et enfant, le sergent CLAUDE est confronté à la vie des tranchées. Blessé, malade, il sera réformé en janvier 1918. Un an auparavant, son second enfant venait de décéder.

Cette sombre période, vécue en direct, changera sa vision du monde et son type de travail. Châteaux et palais font place aux monuments funèbres, aux églises des zones dévastées. L’architecte MARCEL le chargera de décorer la chapelle aux morts de St François Xavier à Paris, puis de dessiner l’urne de porphyre devant recueillir le cœur de GAMBETTA, au Panthéon en 1920.

Mais désormais, c’est au vitrail que CLAUDE se consacrera pendant plus de vingt ans. Il travaille pour plusieurs peintres verriers (DAGRANT, BALMET, CHIGOT, GRUBER), et obtient, en 1925, le Grand Prix du Vitrail à l’Exposition Internationale des Arts Déco. Ses œuvres, qui marquent un tournant décisif dans l’évolution du vitrail, se retrouvent dans des églises situées aux quatre coins de la France et du monde.

⇒  La Céramique

A l’exception de quelques rares incursions dans le monde civil (comme par exemple à l’hôtel de ville de Calais), CLAUDE traite des thèmes religieux, donc généralement austères, voire dramatiques. Est-ce par un besoin d’alternance qu’il se met en rapport avec la Manufacture de Sèvres dès 1920? Toujours est-il que ses projets sont trouvés originaux et charmants, et acceptés d’emblée par le comité directeur de la Manufacture, désireux d’injecter un ‘sang nouveau’, dans le veines de la vielle grande dame.

Les productions signées ‘CLAUDE’ sont d’une variété extrême, allant du service à thé aux jeux d’échecs ou de mah-jong. Peu de pièces sont encore visibles dans le musée de la Manufacture. Elles avaient rapidement trouvé acquéreur ou servi de cadeaux diplomatiques. Une médaille d’or lui sera décernée à l’exposition de 1925, ainsi que le Grand Prix de la Céramique à l’Exposition Française du Caire en 1929.

⇒  L’Enseignement

En 1923, CLAUDE est recruté par cooptation entre artistes afin d’enseigner la peinture décorative à l’École des Arts Appliqués à l’Industrie, récemment créée à Paris, dans le 3° arrondissement.

CLAUDE, professeur, se sent une grande responsabilité envers ses élèves. Il prépare rigoureusement ses cours, en insistant sur les connaissances techniques, tout en soulignant les problèmes artistiques, emmenant ses élèves dans les musées et les galeries. Leurs lettres témoignent du lien vivant et de la reconnaissance qu’ils gardent pour leur ‘maître’.

Plusieurs d’entre eux se sont fait un nom, dans le milieu artistique, entre autres Hervé MORVAN(affichiste), Paul BONY(concepteur de vitraux) et le peintre Pierre PARSUS.

⇒  Le Peintre des heures libres

Montoire : le château

Peut-on dissocier dessin et peinture? Certainement pas aux yeux de Georges-Louis CLAUDE, pour qui le dessin reste la colonne vertébrale de toute œuvre plastique.   Il maniera alternativement crayon, plume et pinceau. Il choisira tour à tour l’aquarelle, la gouache ou l’huile, selon les circonstances et ses goûts du moment.

Quels sujets inspireront particulièrement cet œil toujours aux aguets?  Tout d’abord la nature, sous forme de paysages, de plantes ou d’animaux. Ayant acheté, en 1923, une maison à Montoire, il sillonne prés et champs, armé de son carnet de croquis ou de sa boîte de peinture, qu’il n’oublie pas d’emporter lors de ses séjours en Bretagne ou en Provence.

Les paysages urbains ne le laissent cependant pas indifférent. On retrouve dans ses carnets, des évocations d’Avignon et d’Aix, mais aussi de Vannes et surtout de Paris, sans oublier Levallois, dont il peint les toits de la mairie et les immeubles qui l’entourent.

C’est dans le cadre familial qu’il s’adonne au portrait: sa mère, sa femme et sa petite fille sont dessinées ou peintes à maintes reprises. Quelques autoportraits jalonnent sa vie de 18 à 65 ans. Mais il s’intéresse aussi à ces visages d’inconnus, qu’il croque à la dérobée dans le métro.

Grand admirateur de CHARDIN et de CÉZANNE, il éprouve un plaisir particulier à peindre des bouquets et des natures mortes. Entraîné par la peinture murale et le vitrail à la composition, CLAUDE aime aussi grouper dans l’action des personnages bibliques ou mythologiques. Ces derniers occupent dans son œuvre une place de choix: les dieux et les héros grecs menaient une vie turbulente avec combats et enlèvements très excitants pour la représentation artistique.

Qu’importe le choix des sujets, l’essentiel est dans la manière de les traiter.

 

Gérard FERRAND

 

Notes:

(1) À cette époque, Montoire est un chef lieu de canton de près de 2.500 habitants

(2) La “boîte à pouce” est la reproduction miniature d’une grande boîte à peinture avec tout le matériel nécessaire.

Bibliographie:

 

Georges-Louis CLAUDE, décorateur et peintre;

Maisonneuve et Larose (2000)

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